La Gazette des arts

Hommage à Mahjoub Ben Bella

L’artiste franco-algérien s’est éteint, le 11 juin dernier, à l’âge de 73 ans. Retour sur le parcours d’un artiste hors du commun qui avait fait du Nord sa terre d’adoption.

S’il fallait ne choisir que trois mots pour résumer l’œuvre unique et foisonnante de Mahjoub Ben Bella, ces derniers seraient ligne, couleur et lumière.

De son Algérie natale, l’artiste-voyageur a sublimé l’art de la calligraphie et de la couleur dans une graphie plastique singulière sans autre sens ni but que celui de parler au plus grand nombre. De l’Europe, il a puisé aux sources de ses grands maîtres, tels Picasso, Goya ou Delacroix, pour créer des œuvres franches et puissantes. Citoyen du monde et artiste engagé, Mahjoub Ben Bella a toujours imaginé un art sans frontière centré sur la notion d’émotions partagées.

Que vous soyez face à ses immenses toiles débordantes de couleurs, ses parchemins, ses cageots cloutés ou ses coussins écrits, vous êtes emporté dans un tourbillon de sensations vous faisant voyager entre Europe et Afrique, Orient et Occident. Toute l’œuvre de Mahjoub Ben Bella est un trait d’union lumineux et coloré entre les peuples et les cultures.

Mais si dans le Nord, nous aimons tant Mahjoub Ben Bella, tourquennois d’adoption, c’est parce qu’il a su nous faire voir et vivre la région autrement. C’est à lui que l’on doit « L’Envers du Nord », savoureux clin d’œil à la course cycliste Paris-Roubaix, surnommée l’Enfer du Nord, dont il a peint 12 km de pavés, imaginant ainsi une œuvre sur laquelle on roule, court, crie…bref sur laquelle on vit ! Une première incursion dans l’espace urbain qui se poursuivra avec la réalisation d’une fresque à Lille…une commande qui fait de Mahjoub Ben Bella le précurseur du street-art, un art pensé pour tous et surtout pour réenchanter la ville…à l’image de l’œuvre qu’il réalise plus tard dans la station de métro Colbert à Tourcoing avec ses 1800 carreaux de mosaïque colorée. Et ce touche-à-tout avait encore bien d’autres projets en tête comme la décoration d’un terril ou la création de mobiles évoluant sur le Canal de Tourcoing.

Créer encore et toujours, se laisser inspirer par le quotidien et lui rendre hommage dans chaque geste créateur : voilà le crédo de cet artiste hors du commun à l’insatiable appétit d’aventures et de découvertes. Un artiste exposé dans le monde entier et célébré ici, dans ce Nord qu’il aimait tant, notamment à La Piscine à Roubaix et au MUba de Tourcoing.


Pour terminer, laissons la parole à Jef Aérosol, un autre nordiste d’adoption et artiste de génie, qui nous raconte ici l’impact qu’a eu sur lui l’œuvre de Mahjoub Ben Bella :
« En 1984, j’arrive à Lille. Dès ma première déambulation dans le centre, je me retrouve au pied d’un grand mur peint, près du Nouveau Siècle. Je suis totalement séduit par cette calligraphie sublimée et l’impact immédiat de ce pignon coloré, hélas disparu aujourd’hui. A la fois dynamique et apaisante, cette fresque m’a touché d’emblée et je ne suis jamais passé devant sans m’y arrêter quelques minutes. Depuis, j’ai toujours trouvé dans le travail de Ben Bella un pont remarquable entre tradition et modernité, entre écriture et abstraction. Ses œuvres évoquent autant la calligraphie arabe que certains tags et graffiti, en ce sens Mahjoub fut un véritable précurseur : avant cette vague de street-art et cette déferlante de fresques urbaines, il signait déjà des œuvres contextuelles essentielles et visionnaires, s’inscrivant dans l’espace public aussi bien sur une façade du Vieux Lille que sur les pavés du Paris-Roubaix. »
Merci Mahjoub !

Juliette Courtois

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